« Le plaisir de voir la joie sur les visages »

Khédidja ne fait jamais comme tout le monde, elle m’a d’abord rédigé un texte sur sa vie, et nous en avons discuté par la suite.

Je l’ai interviewé le lundi 03 Juin 2019.

Khédi, comme tout le monde l’appelle, a derrière elle une vie remplie d’expériences.

Elle est née en Algérie, mais a quitté le pays pour fuir la guerre, elle n’a pas de souvenir car elle était encore toute petite mais elle sait que le voyage fut difficile pour regagner la France.

A l’âge de 18 ans, Khédi a perdu des membres importants de sa famille, très touchée, elle repart alors en Algérie pour se ressourcer, elle y reste 1 ans et revient en France par la suite, ces épreuves l’ont endurcie et ont forgé son caractère.

A 46 ans, des projets plein la tête, Khedi veut réaliser ses rêves, elle ne veut plus faire de secrétariat, trop ennuyeux me dit-elle. Pourquoi ne pas se lancer dans la restauration ? Elle se lance alors et pendant 4 ans elle tient un petit restaurant, bien que très passionnant, le métier de restaurateur est éreintant. Elle décide alors de vendre son restaurant. Et se demande où veut-elle aller par la suite, elle a toujours rêvé de travailler dans le social, pourquoi pas maintenant ?

En 2008, Khedi se voit proposer un poste d’agent d’accueil au sein du Diaconat de Bordeaux, ce n’était pas tout à fait ce qu’elle recherchait, c’était un emploi à temps partiel mais après quelques mois, et une fois formée, elle a beaucoup apprécié.

 

« Rencontrer chaque jour de nouvelles personnes, les orienter, les aider, j’ai pu en tant qu’agent d’accueil m’investir et apprendre ».

Khédi ne renonce pas en ses rêves, en 2013 elle change alors de poste est devient assistante administrative et sociale au service Accueil Social. Elle me dit qu’elle remercie sa direction de lui avoir fait confiance. Elle s’occupe du suivi des dossiers, des contrats, des convocations. En parallèle, elle accompagne les personnes dans leur recherche de logement, l’accès à leurs droits et à la santé.

« Ça n’a pas été facile mais ma motivation était encore plus forte. Il a fallu batailler pour se faire accepter. Le stress était souvent présent mais le plaisir que j’avais avec l’accompagnement des personnes compensait largement ces périodes de combat ».

 

  • Vous êtes donc souvent en contact avec le public, comment le gérez-vous ?
    « Je fais la part des choses, j’ai appris à le faire avec les années. Je travaille avec le cœur, j’échange avec eux, il y a une relation de confiance qui s’instaure entre eux et moi. Ils savent que je suis là pour les aider, même si parfois je lève le ton. De par mon histoire, je peux les aider et peut être mieux les comprendre. » 
  • Cela fait un moment maintenant que vous travaillez ici, avez-vous fais une rencontre marquante liée au Diaconat ? Avez-vous vécu des moments forts ?
    « J’ai rencontré beaucoup de monde mais je pense à deux personnes.
    J’ai suivi un homme, il est passé par Tregey et puis à été hébergé ailleurs, il a par la suite trouvé un logement à Pessac, il a trouvé du boulot, après tant de galères dans sa vie, il était enfin stable. Et puis très peu de temps après, il est décédé d’une crise cardiaque, il avait 50 ans… J’étais très en colère, je trouvais ça injuste. Ça m’a beaucoup marqué, c’était l’un de mes premiers suivis, il était adorable, il m’apportait des fleurs de temps en temps. J’étais très touché quand il nous a quitté. 

    La deuxième personne à qui je pense, c’est un autre de mes suivis ; au début, que des heurts, ce monsieur très raciste m’a souvent insulté me répétant sans cesse qu’il était français et qu’il ne comprenait pas pourquoi il était à la rue. Il était de temps en temps hébergé par le 115 mais souvent exclus suite à son comportement. Parfois il venait, s’énervait un bon coup en me promettant qu’il ne mettrait plus les pieds au Diaconat. Quelques temps après je le revoyais, il s’excusait et nous discutions comme si de rien n’était. Petit à petit, il s’est instauré un climat de confiance et nous avons pu entamer des démarches, il est en attente de logement actuellement. Il y a très peu de temps nous avons ri ensemble, en effet, il me parle souvent de sa vie, je savais déjà qu’il avait une fiancée d’origine maghrébine, il arrive en me disant qu’il a très mal dormi qu’il est hébergé à l’hôtel par le 115 et qu’il doit cohabiter avec un colocataire musulman qui fait le ramadan et qui se réveille pour faire la prière et il l’imite en me disant cela alors je n’ai pu m’empêcher de rire et lui aussi. Je lui ai dit « Monsieur, c’est un signe que vous ayez une amie, un colocataire et une référente sociale d’origine maghrébine, j’espère que cela fera changer votre état d’esprit ! 

    Le travail que je fais au Diaconat et ces rencontres me permettent d’en apprendre davantage sur l’humain, mais sur moi aussi, rencontrer des personnes comme ce monsieur me donne encore plus envie d’aider. »

  • Comment vous sentez-vous dans cette association alors ?
    « Je me sens dans une famille, on est bien accueillie, et il y a du soutien. L’ambiance est bonne, je me suis fait ma place et je travaille avec une équipe sympa. Mon travail est passionnant et diversifié, on apprend à se sortir de situations difficiles, c’est une grande satisfaction malgré le stress inhérent de ce travail. »
  • Vous connaissez bien le Diaconat de Bordeaux maintenant, comment le décririez-vous en quelques mots ?
    « Le contact humain, le plaisir de pouvoir satisfaire les demandes et de voir la joie sur les visages !»

 

Toujours des projets plein la tête, Khédi part bientôt, je lui demande ce qu’elle compte faire une fois à la retraite, elle me dit en souriant : « je me suis inscrite à des ateliers d’écriture, je compte écrire un livre, sur ma vie, mon parcours. »

J’ai été ravis d’échanger avec Khédi, c’est une personne charismatique dont le sourire manquera dans les bureaux du Diaconat de Bordeaux. Je la remercie encore pour sa bienveillance et pour le temps qu’elle a pu m’accorder.

 

Propos recueillis par Jade Raveau,
stagiaire INFOCOM à l’IUT Bordeaux Montaigne

 

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